Page:LeMay - Le pèlerin de Sainte-Anne, Tome II, 1877.djvu/25

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L’enseigne que l’on venait d’apercevoir était la contrepartie de celle de l’Oiseau de proie. Une colombe blanche tenait, sous ses pieds délicats, un énorme oiseau peint en rouge et armé de longues griffes et d’un bec crochu. Cette enseigne ressemblait, en effet, à une provocation ; pourtant, la nouvelle hôtelière n’avait pas songé à malice. Elle avait trouvé l’idée originale ; et, comme le succès tient souvent à un détail insignifiant, elle arbora La Colombe victorieuse.

C’était donc une femme encore qui ouvrait cette cantine. La mère Labourique se serait crue moins offensée si c’eût été un homme. Chose plus singulière, cette femme n’avait, elle aussi, qu’une fille ; mais Emmélie était un beau brin de jeunesse, et quand elle mit la tête à la fenêtre pour la première fois, et qu’un rayon de soleil illumina sa blonde figure, la Louise se sentit mordre au cœur par la jalousie.

La nouvelle hôtelière pouvait être âgée de quarante cinq ans. Une profonde tristesse se lisait sur ses joues pâles. Elle avait souffert ; son œil doux et voilé le disait. Quand elle souriait, l’amertume coulait sur ses lèvres.