Page:LeMay - Le pèlerin de Sainte-Anne, Tome II, 1877.djvu/258

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le pèlerin rappelle, pour que l’on ne puisse mettre en doute son identité, des faits dont il a été témoin dans son enfance, et il répond avec une surprenante exactitude aux questions qu’on lui fait. Il a tant songé, pendant les six mois de mutisme dont la colère de Dieu l’avait frappé, il a tant songé à tout : à son enfance, à ses parents, à ses amis, aux agissements et aux paroles de chacun, que les moindres choses sont gravées à jamais dans sa mémoire. Il y a déjà plus d’un quart d’heure que l’on cause ainsi quand le maître d’école arrive. Longtemps il a réfléchi avant de se décider à paraître devant le pèlerin. Mais sachant qu’il a prévenu les gens en sa faveur, et que le pèlerin ne peut lui reprocher autre chose que l’enlèvement de l’enfant, il paie d’audace et brave le ressentiment de son jeune ennemi. À sa vue Joseph se lève :

— Comment, vous ici ? dit-il, vous ?…

— Et pourquoi pas ? repart le maître d’école en souriant.

— Je ne sais ce qui me retient !… continue le pèlerin qui prend feu, j’ai envie de vous !…

Il oubliait qu’il n’était pas chez lui et que le maître d’école était dans la maison de son