Page:LeMay - Le pèlerin de Sainte-Anne, Tome II, 1877.djvu/34

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

oublia tout : compagnons, famille, chantiers, pour se plonger dans les douceurs de cet amour pur et sans remords. Il se sentait aimé, il aimait de toute son âme, et pourtant, il n’avait pas dit une parole qui put trahir son secret, il n’avait pas reçu le plus mince des aveux. Mais ceux qui ont aimé — et où sont les malheureux qui n’ont pas bu à la coupe divine d’un amour pur, au moins une fois dans leur vie ? — ceux qui ont aimé et qui ont été aimés savent bien que les premiers et les plus doux aveux sont portés, d’un cœur à l’autre, sur les rayons de ces regards longs et suaves qui se rencontrent, se mêlent, se confondent, et font tressaillir tout notre être d’une indicible ivresse. L’ex-élève et Emmélie s’aimaient donc en silence, et n’osaient avouer tout haut ce qui faisait leur délice.

Plusieurs des garçons de chantier, rassasiés des faciles plaisirs qu’ils avaient goûtés à la ville depuis leur arrivée, se préparaient à aller dans leurs familles, voir la vieille mère, voir le père, les frères et les sœurs oubliés trop longtemps. L’ex-élève voulut aussi se rendre dans sa paroisse natale, avant de repartir pour les hauts. Il était de Descham-