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les épis

La jeune fille en pleurs jette une plainte amère,
Et l’enfant étonné, se cramponne à sa mère.

Oh ! spectacle navrant ! Les banquises, là-bas,
S’accumulent toujours avec un sourd fracas.
Et le fleuve gonflé, sur ses rives fécondes,
Implacable, rejette avec fureur ses ondes.

Les champs sont engloutis sous des torrents nouveaux.
Les arbres sans feuillage, élevant leurs rameaux
Au-dessus de ce lac au flot rapide et sombre,
Ressemblent au vaisseau qui perd sa voile et sombre.
Comme après un naufrage, étendus sur les mers,
Flottent au gré des vents mille débris divers,
Ainsi flottent partout, dans l’immense prairie,
Mille objets emportés par le fleuve en furie.
Et le soleil répand, comme en signe d’adieu,
Sur ce tableau lugubre un long sillon de feu.

* * *

Quel calme, tout à coup règne dans la nature !
L’oiseau ne chante plus. Nul sanglot, nul murmure…
Au loin les bancs de glace, immobiles, pressés,
Semblent d’immenses rocs l’un sur l’autre entassés.