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la débâcle


* * *

Quel spectacle inouï ! quel désordre ! quel trouble !
L’on s’agite partout. Le tumulte redouble.
De nombreux paysans, émus, épouvantés,
En implorant le ciel, errent de tous côtés.

Les uns laissent déjà leur maison peu solide,
Emportant avec eux, dans leur fuite rapide,
Tous les objets divers qu’ils ont d’abord trouvés ;
Ils cherchent un refuge aux lieux plus élevés.
Les autres, moins craintifs, à cette heure suprême,
Attendent leur destin dans leur demeure même.
La mansarde leur offre un gîte bien étroit.
Ils n’en pourront bientôt sortir que par le toit ;
Mais, plutôt que de fuir, ils en font leur asile.

On sort de leur étable, et l’on monte, à la file,
Par des chemins nouveaux, sur le fenil étroit,
Génisses et brebis. Et la terreur s’accroît…
On entend le cheval qui hennit et piétine,
Et le bœuf paresseux qui beugle et se mutine.
Les coqs battent de l’aile et chantent follement ;
Les chiens, flairant le sol, hurlent sinistrement ;