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la débâcle


Est-ce une illusion ? Une barque s’avance !
À son humide proue un fanal se balance.
La vierge sent l’espoir renaître dans son cœur ;
Elle s’attache à l’arbre avec plus de vigueur,
De crainte de périr tout près d’être sauvée.

Alerte le rameur ! La barque est arrivée !…
Mais quel démon la guide ? Il ouvre un œil brutal,
Et, sur sa bouche passe un rire qui fait mal.
Alors, dans sa terreur, Henriette s’écrie :

— Ô Tribul, sauve-moi !…Sauve-moi, je t’en prie !

Et Tribul la regarde avec un air moqueur.
Son œil mauvais s’emplit d’une étrange lueur,
Et sa bouche sourit, mais son front bas sourcille.

— Par pitié, sauve-moi ! reprend la jeune fille…
Et son bras fatigué glisse sur le rameau.
Toujours silencieux, son infâme bourreau
Voit sur l’arbre agité sa main blanche qui glisse,
Et, dans son cœur pervers, jouit de son supplice.

— Tribul ! Tribul !… pour Dieu !… Je péris !… Je péris.