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les épis

Un enfant suit ses pas. Il est pur comme l’ange,
Et dans son œil rêveur on surprend un mélange
De souffrance et d’amour. Ils marchent les pieds nus.
Exilés, ils s’en vont vers des lieux inconnus.
Dans le sable léger leurs pieds s’impriment sombres ;
En l’immensité claire ils paraissent des ombres.

Au vallon de Mambré disant un triste adieu,
Tous deux ils sont partis sous le regard de Dieu.
Agar de temps en temps s’arrête, haletante,
Pour voir, à l’horizon, luire la blanche tente
De son seigneur Abram, le patriarche aimé.
Soumise, elle n’a point contre lui blasphémé
Lorsque, pour obéir à Saraï jalouse,
Il l’a chassée encore, elle, la jeune épouse.
Mais le vieillard pleurait en montrant les déserts ;
Et ses yeux, s’élevant vers le plus haut des airs,
Comme pour y chercher le Dieu des agonies,
Sur le front d’Ismaël il mit ses mains bénies.

La tente est disparue aux horizons lointains ;
Les pas des exilés semblent plus incertains,
Le désert, plus profond. Quand sonne une heure amère
Le bonheur qui n’est plus apparaît éphémère,
Le malheur qui commence apparaît éternel.