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Page:LeMay - Les épis (poésie fugitives et petits poèmes), 1914.djvu/171

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les épis

Donner l’exemple, agir, piquer de l’aiguillon,
Et monter au clocher le premier carillon.
On parlait de cela tout bas, tout haut, ensemble…
Un carillon, c’est beau sans doute, mais il semble
Que Dieu goûterait mieux l’accord de nos esprits ;
Ce serait chose rare, et d’un bien plus grand prix.
Le plaisir agitait l’âme douce et mystique
Qui voit dans chaque temple un céleste portique,
Mais un amer dépit troublait le sermonneur
Qui prétend qu’on perd tout quand on donne au Seigneur.

Le voile fut levé tout à fait. Un dimanche,
Avec un geste altier qui déploya la manche
De son large surplis éclatant de blancheur ;
De la chaire où sa voix avertit le pécheur,
Stigmatise le tiède et console le juste,
Le curé déclara que Dieu, le Maître Auguste,
Pouvait être loué par les sons de l’airain,
Comme il l’est par la voix du peuple souverain ;
Qu’il fallait aujourd’hui, sans craindre les reproches,
Dans le clocher vaillant, monter trois belles cloches
Qui diraient nos douleurs, nos plaisirs, notre amour,
Et pleureraient sur nous à notre dernier jour.

Il se fit tout à coup, sous la voûte, un murmure
Pareil au bruit du vent dans l’épaisse ramure,