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Page:LeMay - Les épis (poésie fugitives et petits poèmes), 1914.djvu/178

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nos trois cloches

Ils paraissaient dormir ou rêver. Puis, debout
Contre le clos de cèdre, et, regardant partout,
Anxieux, agité, comme un homme qui cherche,
Tancrède ! Le soleil scintilla sur la perche
Où s’appuyait son bras. Et je l’ai vu, le vieux,
Sourire à la féerie en s’essuyant les yeux.

Et pendant ce temps-là, dans le labour, tout proche,
L’enfant s’était couchée, un peu lasse. Une roche
Que la charrue avait effleurée en passant
Lui servait d’oreiller. Un trèfle encor naissant
Se cachait sous ses pieds frileux. Des chicorées
Penchaient leurs fleurs d’azur sur ses boucles dorées.
Sous sa tête mutine et presque belle alors,
Elle avait replié ses bras. Et, sans remords,
Un ange d’un baiser avait clos sa prunelle.
C’était l’oiseau qui dort la tête sous son aile,
Fatigué de voler. Dans cet instant de paix
Elle rêvait, l’enfant, à ses bœufs sous le faix,
À ce sol éventré par de longues blessures,
À ce vieux laboureur tenant, de ses mains sûres,
Et tant qu’il fera jour, les mancherons de bois,
Et tout lui semblait noir, lamentable, sans voix.