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les épis

Mais alors tout à coup, dans le deuil de la terre,
Elle voit la prairie encore froide, austère,
S’étendre, s’élargir jusques à l’horizon,
Et les sillons obscurs qui coupent le gazon
Deviennent radieux. Ils montent vers les nues.
Et trois anges, chantant des stances inconnues,
Apportent la semence à ce labour divin.
Leur geste est solennel. Tout effort serait vain
Pour dire les accents qui tombent de leur bouche.

Jeannette se réveille, et, de sa rude couche,
Elle crie au vieillard qui s’avance songeur :

— Quel beau rêve j’ai fait !
Quel beau rêve j’ai fait !Puis, fixant la rougeur
Du couchant où flottaient les feux du crépuscule :

— Je les vois, les entends, là sur le monticule !…
Ils chantent en semant pour le ciel !… Ils sont trois !

Nos trois cloches sonnaient pour la première fois.