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les épis


Allez ! N’arrêtez point au seuil de la chaumière
Où gémit un frère indigent.
Entrez dans les salons où des flots de lumière
Ruissellent des lustres d’argent.
Écoutez les propos, les refrains d’allégresse,
Les orchestres mélodieux,
C’est plus doux que les cris d’une sombre détresse,
C’est moins triste ou moins odieux.

Et qu’importe après tout qu’un misérable envie
Et vos plaisirs et vos honneurs ?
Qu’importe un malheureux dont la pénible vie
N’a ni doux rêves, ni bonheurs ?
Détournez vos regards et gardez votre joie ;
Trouvez quelques plaisirs nouveaux.
Chantez, riez, dansez, en beaux habits de soie,
Sur le couvercle des tombeaux.

Vous n’avez jamais vu, tout près de votre porte,
La pâle faim venir s’asseoir ;
Et les ris et les jeux que l’aube vous apporte
Ne s’en vont point avec le soir.
Jamais, pendant l’hiver, dans l’âtre plein de cendre
Le feu n’a cessé d’ondoyer ;