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un fléau

Les insectes maudits, dans un sinistre effort,
S’éloignaient de nos champs et volaient à la mort ;
Ils entraient éperdus dans les replis de l’onde,
Et l’onde s’en couvrait comme d’un voile immonde.

Le matin, dès l’aurore et dès les premiers chants,
De nombreux laboureurs coururent à leurs champs.
Tout fleurait bon. Et, pour louer Dieu du prodige,
Les épis s’inclinaient humblement sur leur tige,
Les oiseaux, tout joyeux, paraissaient se chercher,
Et la cloche sonnait dans le petit clocher.

La maison est fermée. Une maison bien vieille.
La mousse la verdit maintenant. Une treille
Accrochait, autrefois, ses grappes au lambris.
Tout près on voit le four qui n’est plus qu’un débris,
Et le puits sans margelle où la haute « brimbale »,
En tirant l’eau, chantait autant qu’une cigale.
Des sillons gazonneux creusent encor le sol ;
Le jardin désolé conserve un tournesol,
Un seul, un peu sauvage, et tout comme un vieux faune,
Avec sa tête lourde et sa couronne jaune.
Là jadis, Paul Murot vivait. Dieu s’est vengé,
Car le grain qu’on y sème est encore mangé.