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les épis


Aiguillonnez les flancs de la glèbe féconde ;
Traînez partout le soc vainqueur.
Des sueurs du travail que votre front s’inonde,
Le travail retrempe le cœur.
Transformez nos déserts. Que la ronce sauvage
Fasse place à l’or du froment !
Laissez à vos enfants, pour premier héritage,
L’exemple d’un grand dévoûment.

Un son qui vient de loin vous trouble et vous enivre.
Est-ce donc un concert si beau ?
C’est la voix de l’airain, c’est la clameur du cuivre
Qui montent comme d’un tombeau.
C’est le pétillement de la flamme qu’allume
L’haleine des grands soufflets noirs,
C’est le coup des marteaux qui fait gémir l’enclume
Comme le bœuf des abattoirs.

C’est le sourd grondement de l’immense fabrique
Où les engins chantent en chœur ;
C’est comme le réveil d’un cauchemar lubrique
Qui vous empoisonne le cœur.