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épître à mon ami sulte


Épître à mon ami Sulte


Je dépose la plume et je me mets en grève,
Les ans que j’appelais ont emporté mon rêve ;
C’est le réveil. Je vois le monde tel qu’il est :
Égoïste d’abord, puis, ensuite, assez laid.
Il m’attriste, le monde, et pourtant il m’amuse.
Quel grouillement étrange autour de moi ! Ma muse
Y trouverait peut-être un fort joli sujet,
Et mon esprit frondeur, peut-être un nouveau jet.
Mais pourquoi ? L’on se tait quand personne n’écoute.
L’argent sonne plus fort que la lyre.
L’argent sonne plus fort que la lyre.Il m’en coûte
De ne plus me bercer de mon rêve divin.
Les sommets bleus sont beaux, mais l’ombre du ravin
Est douce au voyageur fatigué de la route.
L’approche de l’hiver met ma verve en déroute ;
Il neige sur ma tête, et je sens de l’effroi.