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les épis


Devant le beau, devant le grand il reste froid
L’hôte que l’on convie au festin littéraire ;
Mais je m’occupe peu d’un succès temporaire,
Et si ma vieille plume écrit avec émoi,
C’est pour les autres, Ben, tout autant que pour moi.

Plus l’écrivain est nul, plus il fait de tapage ;
Pour lui l’idée est vaine, il ne voit que la page ;
Il bat la grosse caisse avec un bras lourdaud,
Et capte la faveur du pleutre et du badaud

La foule est ignorante ; elle aime la fadaise,
Un bouffe, un arlequin la fait trépigner d’aise.
Toute étude l’ennuie, et le livre nouveau
Va souvent, ironie ! envelopper le veau.

Un jour ou l’autre, Sulte, il faut plier bagage.
Si c’était aujourd’hui ?… Tu vas rire, je gage,
Et dire que demain j’écrirai tout autant.
Oui, si mes créanciers, pour de l’argent comptant,
Veulent prendre, demain, et mes vers et ma prose,
Afin que je m’achète une vieillesse rose.
Ils ne le feront pas. Ils diront, pour raison,
Que l’esprit sous nos cieux ne peut tenir maison.