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Page:LeMay - Les épis (poésie fugitives et petits poèmes), 1914.djvu/83

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Je n’ai plus de vigueur dans mes poignets osseux,
Mais j’ai du cœur encor : je lui crache à la face.
Alors, d’un bras cruel il me fouette sur place,
Avec ses mains d’abord, puis ces branches de houx
Que j’emporte avec moi pour nourrir mon courroux.

Et le chasseur riait d’une façon grossière.
Mais l’enfant ramassa le pain dans la poussière,
Et, l’ayant essuyé, le rendit au vieillard.

Comme un phare s’allume et perce le brouillard,
De l’avenir le pauvre alors perça le voile :

— Va, mon enfant, dit-il, une brillante étoile,
Pour éclairer tes pas, luit dans l’obscurité.
Va, tu seras béni dans ta postérité !

Puis, prenant son bâton pour soutenir sa marche,
Il s’éloigna, semblable au sacré patriarche
Qu’on voyait traverser les siècles d’autrefois.

* * *

« Depuis ces jours lointains que rappelle ma voix,
Bien des fois le printemps s’est paré de verdure,