Page:LeMay - Les épis (poésie fugitives et petits poèmes), 1914.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
98
les épis

L’or n’apporte souvent qu’un bonheur bien futile ;
L’amour et la vertu le donnent moins fragile.

— Mais pourrai-je chanter si je te vois souffrir ?
Mes accords désolés devront bientôt mourir.
— Oh ! j’unirais ma voix à ton accent suprême,
Les pleurs mêmes sont doux, ô Damas ! quand on s’aime !

— Qui parle par ta bouche, ô charme de mon cœur ?
De tous mes vains discours ton amour est vainqueur.
Je craignais de trouver ton âme résignée…
Et par un autre amour peut-être enfin gagnée.

— Tu me blesses, Damas, par ce cruel soupçon…
Tribul est riche… Est-il un honnête garçon ?

— Pardonne à ton ami, ma sensible Henriette,
Tu m’aimes, je le sais, d’une amitié parfaite…
Mais regarde, là-bas, cet énorme rempart
Que forment les glaçons emportés au hasard.
On dirait qu’un géant les entasse avec rage,
Pour détourner le fleuve, et noyer son rivage.
Quels bruits ! quelles clameurs ! quels longs mugissements !

— Quels chocs et quels éclats ! Quels vifs scintillements
Le soleil fait pleuvoir de ces informes glaces !
Comme on voit se dresser leurs immenses surfaces !