Page:LeMay - Picounoc le maudit, Tome II, 1878.djvu/20

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tion ce jeune homme intelligent et beau qu’il n’osait encore appeler son fils, dans la crainte de le voir sourire avec ironie. Il sentait le besoin de serrer sur son cœur l’enfant de son amour, et il comprenait qu’il n’était qu’un étranger aux yeux de cet enfant. Il se reconnaissait dans cette figure ouverte, dans ce geste noble, dans ce maintien digne. Il avait ce front élevé, ce regard doux et parfois flamboyant, il avait cet âge et cette beauté quand le malheur, après deux ans de répit, s’acharna de nouveau à lui pour ne plus lui laisser jamais une heure de félicité.

Ils arrivèrent au village et la voiture s’arrêta à la porte d’une maison de chétive apparence.

— C’est la demeure de ma mère, dit le jeune avocat : je regrette de ne pouvoir vous conduire plus loin.

Le grand-trappeur était comme un homme ivre. Il ne se rendait plus compte de ses idées ; il éprouvait à la fois toutes les sensations de la joie et de la douleur, de la crainte et de l’espérance. Sa tête bourdonnait et le sang, remontant du cœur à sa figure, lui brûlait le front. Il porta à ses yeux la manche de sa vareuse de toile pour dissimuler ses larmes.