Page:LeMay - Reflets d'antan, 1916.djvu/141

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La voix des matelots s’adoucit et caresse ;
Aux baisers du soleil l’onde s’endort d’ivresse,
Et les oiseaux, ravis, planent au firmament.

Bientôt un chant naïf monte du bâtiment
Et, tour à tour, les fronts rembrunis par le hâle,
Vers le ciel où s’en va le couplet simple et mâle,
Se dressent radieux. En disant sa chanson,
Le colon voit mûrir la future moisson.

« Passe comme un coursier sur le flot qui te berce,
Fier vaisseau ! Vents, soufflez ! La terre où nous allons
Est vierge. Mais, demain, la charrue et la herse
Feront germer nos blés dans ses riches vallons.
Pour tromper l’ennui, la souffrance,
Tout gaîment alors nous dirons :
― C’est encor du pain de la France
Qu’à l’automne nous mangerons. »

J’entends le cri des bois où l’Indien se cache,
Le sifflement des arcs, la plainte du désert.
Nous allons au travail. Il faut que notre hache
Ajoute une voix sainte au profane concert.