Page:LeMay - Reflets d'antan, 1916.djvu/56

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Et le navire vogue. Et sa pesante voile
Au bercement des flots tremble comme l’étoile.
Endormis sur le pont, jeunes et vieux marins
Ont enfin tour à tour oublié leurs chagrins.
Mais Cartier veille. Il prie. Une douce espérance
Ranime son courage et calme sa souffrance.
Il lui semble que l’onde, en ses replis profonds,
Berce de verts rameaux et de flexibles joncs ;
Et qu’il flotte dans l’air un arôme sauvage,
Comme celui qu’exhale un jeune et chaud feuillage ;
Et, sur l’aile des nuits, son cœur reconnaissant
S’élève avec amour vers le Dieu tout-puissant.

La nuit s’est envolée et le vent souffle encore.
Au fond de l’Orient la matineuse aurore
Lève son front orné d’un éclat chaste et doux.
Le soleil qui la suit comme un fidèle époux,
D’une poussière d’or, de mille traits de flamme
Émaille et fait briller la vagabonde lame.
Poussant d’étranges cris, de sauvages oiseaux
Rasent, dans le lointain, la surface des eaux,
Ou planent dans les airs, au-dessus du navire.
L’espoir grandit encore ; et l’on entend le rire
Des marins réunis sur le gaillard d’avant.
Le mousse, dans le mât remonte plus souvent,