Page:LeMay - Reflets d'antan, 1916.djvu/57

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Espérant chaque fois que de l’onde azurée
Son oeil verrait surgir la terre désirée.
Le vent fraîchit toujours, et le fier bâtiment
Vers le monde nouveau s’en va rapidement.
Et Cartier, tout ému, l’œil rempli de lumière,
Regarde l’eau qui vole ainsi qu’une poussière.
Il aime son vaisseau comme un vieil écuyer
Aime, quand il hennit, son vigoureux coursier.

Quel est ce long coteau qui s’élève des vagues ?
Il est vêtu d’azur et ses formes sont vagues
Comme un rêve d’amour dans un cœur innocent.
Il s’avance ! Il s’avance ! Il va s’élargissant.
Est-ce un monde réel ? N’est-ce pas un mirage
Qui brille comme un songe aux yeux de l’équipage ?
Soudain une clameur s’élève jusqu’aux cieux :
« Terre ! Terre ! » ont crié les matelots joyeux !
Et le vaste océan a redit : Terre ! Terre !
Et, Cartier tout en pleurs, courbant son front austère,
Adore dans l’amour le Dieu de sainteté
Qui pour lui fait si haut éclater sa bonté.
Et les vaillants marins, transportés d’allégresse,
Ne se souviennent plus des longs jours de tristesse.
Il monte de partout des chants et des clameurs,
Les flots ne bercent plus que de sourdes rumeurs.