Page:LeMay - Reflets d'antan, 1916.djvu/85

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Ce n’est plus l’océan que les bateaux franchissent ;
La terre n’est pas loin et les ondes blanchissent.
Des rivages en fleurs, qui vont se rapprochant,
Resserrent les flots clairs, et semblent, au couchant,
Élever sur leur route une immense barrière.
Le soleil plus hâtif achève sa carrière.
Il argente le ciel de ses rayons blafards,
Comme les cheveux blancs, la tête des vieillards.

La flotte, ô Saguenay ! rase ton embouchure.
Rivière au noir courant, quelle sonde mesure
De ton lit merveilleux toute la profondeur ?
L’oeil est pris de vertige, en voyant la hauteur
De ta paroi de roc partout infranchissable.
Fleuve sans grève, gouffre où pas un grain de sable
Ne recevrait le pied du marin naufragé,
Quel arbre t’a jamais dignement ombragé ?
Dans tes profondes eaux vainement l’ancre tombe.
Le chaos t’a choisi pour sa plus noire tombe,
Et tes échos moqueurs, quand passent les marins,
Se redisent entre eux leurs plaintes, leurs refrains.

Cependant le vent souffle, et les vagues d’écume
Vont caresser des bords que la forêt parfume.