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Page:LeNormand - Autour de la maison, 1916.djvu/116

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AUTOUR DE LA MAISON

rive, le vieux hangar solitaire, coiffé d’un toit gonflé de neige, le ruban de la rivière si blanche.

Quelle jeune fille eut pitié de nous ? Son visage se perd dans ce passé déjà lointain. Revenue en haut avec ses compagnes essoufflées et rieuses, elle dit, comprenant soudain notre muet désir : « Embarquons les petits pour une fois ? » Nos yeux durent devenir pleins d’eau, et sans plus nous faire prier nous sautâmes sur la traîne. On nous fit asseoir en sauvage, les jambes repliées, et serrer de nos petites mains les cordes latérales. Deux grandes filles vinrent avec nous, une en avant, l’autre en arrière.

« Tenez-vous bien », cria une de celles qui restaient, et elle nous donna l’erre d’aller. La traîne partit d’abord lentement, et, s’engageant dans la pente, elle fila… Je cessai un moment de respirer, j’eus peur une seconde, j’éprouvai une grande ivresse, un élan violent, puis la traîne fut sur la rivière, et je regrettai l’instant affolant où j’avais perdu l’haleine, me sentant comme lancée dans l’infini…

C’était loin d’être l’infini, et notre tour était même terminé. Sur la rivière, nous poussâmes des cris d’enthousiasme devant le spectacle nouveau du sommet de la rive, vu d’en