Page:LeNormand - Autour de la maison, 1916.djvu/131

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
131
AUTOUR DE LA MAISON

noye-toi ! » Lorsque nous arrivions au canal recouvert d’un treillis de barres de fer, nous suspendions les petites filles au-dessus de l’abîme, en déclamant : « Tu vas mourir. C’est fini. Plus de pitié, tu es trop malpropre ! » — Pourtant nous ne les laissions pas encore à l’égout et nous leur faisions remonter la rigole. En chemin, elles se trouvaient à rencontrer, sur des bateaux à voile, leurs sœurs, en mille miettes, victimes réduites en lambeaux par Pierre et Toto !

Devant la maison, nous retirions nos noyées de l’eau froide et nous décidions de les faire sécher. Nous accrochions le fil qui les tenait à l’écorce des arbres ; puis nous les abandonnions pour aller voir si la glace marchait…

Toto et Pierre revenaient du canal où ils avaient abandonné les restes de leurs martyres et, apercevant nos petites pendues qui se balançaient au vent, ils les collaient aux arbres et les tapaient si fort avec des bâtons qu’ils les déchiraient sur l’écorce rugueuse. Et c’était fini pour celles-là. Demain, avec d’autres, on recommencerait, et toutes les « bonnes femmes » qui étaient défraîchies y passeraient.