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AUTOUR DE LA MAISON

mençaient toujours leurs paniers avec une inlassable patience ! Alors, c’était tragique, parce que les filles ont de grands cheveux, et quand les graquias s’y mettent !… Souvent, il fallait couper une mèche…

Mais, parfois, à notre premier cri de détresse, les garçons envoyaient tout d’un paquet leurs graquias et les nôtres par-dessus la clôture de la cour, et ils disaient : « Asteure on va jouer à autre chose. » À quoi ? à la cachette, au but volé, aux quatre coins ? Et l’un de nous s’écriait : « Jouons au loup ! »

Toto se cachait derrière le plus gros érable, dans un coin du parterre. Marie, Pierre et moi, nous tenant par la main, nous avancions vers l’arbre, et reculions en mesure, en chantant très fort, puis « diminuendo », toujours sur la même note :

« Promenons-nous — dans le bois, — tandis que le loup y est pas ! — Si le loup y était, — il nous mangerait. »”

Nous recommencions ensuite le refrain, simulant la peur quand on entendait grouiller en arrière de l’arbre ! Soudain, retentissait un cri formidable, qui nous faisait frissonner des pieds à la tête : « Boeu ! » et nous nous sauvions à toutes jambes, effrayés comme si un vrai loup nous eût poursuivis !

Le loup rugissait, criait : « ça sent la chair fraîche », ouvrait la bouche avec gourman-