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AUTOUR DE LA MAISON

excessives, des plaisirs qui de loin m’apparaissent trop beaux. J’ai remarqué que les peines, que les déceptions me viennent quand j’ai trop d’espérances, trop de lumière dans l’esprit !

Je me méfie des moulins à vent dont les roues, de loin, sont des ailes d’argent qui brillent en tournant dans l’air du ciel. J’ai peur de l’éblouissement qui cesse quand on est en face d’une grande manivelle sans charmes, dont l’éloignement faisait la beauté ! Et cela m’apprend à jouir des paysages et de la vie, paisiblement, sans penser que le bonheur serait plus loin, que les joies des autres sont plus complètes et meilleures que les miennes !


XXII


Un soir de fin d’automne, dans la grande cuisine de chez nous. Les chaises sont rassemblées, debout à la suite les unes des autres, en ligne droite sur un chemin de catalogne. Chaque fois que nous nous sentons un irrésistible besoin de faire du tapage, nous jouons aux chars. Nous enjambons d’une chaise à l’autre par dessus les dossiers, en criant ; nous basculons, nous tombons ; puis, comme nous nous étrivons, maman dit, à la fin : « Remettez tout en ordre et je vais vous faire jouer à un beau jeu ! »