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COULEUR DU TEMPS

Il y a des vies actives, pleines, qui sont plus enviables et aussi méritoires.

À voir passer le « docteur » dans la petite rue de village, j’ai pensé cependant qu’une vie aussi unie est heureuse. J’ai pensé que dans ce qui est la médiocrité pour les autres et pour moi, le « docteur » doit posséder la joie.

Bienheureux les pauvres d’esprit ! Le « docteur » n’attend pas pour demain plus de prospérité, mais se contente de voir tous ses jours se ressembler ; le « docteur » ne supplie pas le bon Dieu de lui accorder des plaisirs ; mais elle se satisfait du peu qu’elle a, et ne connaît pas l’ambition. Le « docteur » n’est pas distraite dans ses prières par de stériles regrets, par d’inutiles angoisses. Son passé fut comme est aujourd’hui son présent ; pourquoi serait-elle tourmentée par son avenir qui n’en diffèrera pas ?

Le « docteur » n’a point d’âge, et n’a eu ni jeunesse, ni coquetterie. Que le « docteur » me paraît sage à côté d’une jeune fille comme moi qui a pourtant le souci de plaire à Dieu, de le servir.

Le « docteur », mieux encore, n’a que ce souci. C’est une sainte, et c’est plus ; dans le village qu’elle habite, c’est un personnage légendaire et traditionnel. Avant elle, d’autres qui furent ses pareilles la précédèrent ; après elle, une autre