Page:LeNormand - Couleur du temps, 1919.djvu/27

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Raquetteurs, dans la nuit sereine


Un soir calme, sans vent, sans lune, mais bien étoilé. Une brume fine, presque imperceptible, un soupçon de brume qui enveloppe le fond éloigné du paysage. Cette humidité à peine sensible fait dire aux raquetteurs que demain il neigera. Constatation qu’aucun commentaire ne suit. À quoi bon parler pour rien, surtout sur cette chose banale qu’est le temps ?

À un soir aussi paisible et si peu éclatant, parce que sans lune, il faut des raquetteurs à l’état d’âme modéré, point excités, point emballés, point bavards. Ils sont quatre et par moment, aucun d’eux ne parle. Puis, la conversation s’anime ; mais elle consiste plutôt en bouts de phrases, en boutades ; et un éclat de rire qui jaillit, prouve que si les raquetteurs ne sont pas bruyants, ils sont gais. Par étapes ils gravissent la montagne. Entre les arbres, entre les arbustes qui à tout instant les séparent, se perd le fil du discours. Et il y a l’atmosphère, la nuit qui saisit et donne l’impression que les mots en somme sont bien peu en face du monde majestueux, en face de cette hauteur imposante du mont.