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COULEUR DU TEMPS

Et maintenant, enveloppé d’un voile épais d’indifférence, écoutant une voix méchante renoter en vous des : « à quoi bon », vous êtes mécontent et dégoûté. Vous avez beau être entouré de choses riantes, vous restez froid. Devant les plus éclatantes merveilles, il vous semble que vous ne laisseriez pas échapper même une exclamation, et franchement, à consulter votre esprit, vous croyez découvrir que vous avez bu à toutes les sources, que vous êtes rassasié de tout et que rien, rien, rien ne pourra vous ranimer.

Sont-ce des mains démoniaques qui pressent votre cœur ? Êtes-vous malade ? Vous vous sentez imparfait, petit, versatile, presque sans foi, sans amour. Les amitiés, en aviez-vous ? Vous en doutez. Vous apercevez les laideurs du monde comme au microscope, et le bien, vous ne le reconnaissez plus. Vous joignez les mains, vous priez, vous implorez des secours surnaturels. Aucune lumière ne s’allume pour vous et vous avez peur de ne plus mériter la joie, d’avoir fini d’être jeune, d’être gai, d’être ardent. Des heures s’écoulent ainsi, longues, ternes, douloureuses. Sans malheur, vous êtes malheureux. Sans raison de vous plaindre, vous êtes mécontent.