Page:LeNormand - Couleur du temps, 1919.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
72
COULEUR DU TEMPS

Ce matin, la messe de huit heures était un service funèbre, un modeste service, presque sans tentures, avec peu d’assistants. Je me trouvais à quelques bancs du catafalque. Je vis que la bière était petite, comme celle d’un enfant, quand on la roula dans l’allée près de moi. Il me sembla que je touchais à la Mort, et sous le coup d’une répulsion instinctive, j’allai me mettre plus loin.

J’avais eu le temps de reconnaître dans le cortège deux jeunes filles avec leur mère, des figures déjà vues souvent en tramway, dans la rue, à l’église. Je m’intéressai à leur deuil. Je me demandai qui elles avaient aujourd’hui perdu. Je ne sais pourquoi je finis par supposer que ce devait être une grand’mère, redevenue menue, toute mince avec la vieillesse.

Ce soir, je suis retournée à la bibliothèque. On m’a dit : « La petite Antoinette Aubry est morte. » Antoinette Aubry ? Et tout à coup, j’ai revu le catafalque du matin, le pauvre cercueil, j’ai de nouveau pensé à mon impression devant cette mort d’inconnue, à cette peur qui