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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/116

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LA PLUS BELLE CHOSE DU MONDE

pied, et un mince vase de cristal dans lequel elle gardait toujours une ou deux fleurs.

Elle se privait souvent de prendre le tramway, pour acheter quelques roses avec le prix de ses billets.

Au début, les casiers du petit meuble ne continrent que des enveloppes, quelques feuilles de papier, un cahier cartonné, son journal, sa plume. Aujourd’hui, il regorgeait de paperasses, de cahiers de cinq sous où Claire écrivait. Secrètement, elle préparait un volume de vers. Elle avait beaucoup étudié. Le fruit de tant d’années passées dans la lune mûrissait. Elle écrivait facilement, avec joie ; sans cesse, quelque poème germait dans sa tête blonde. Elle ne savait pas si son travail valait quelque chose, mais elle était confiante. Écrire lui donnait une sensation d’ivresse, celle de posséder les raisons les plus profondes de vivre, de ne pas exister en vain.

Quand elle affirmait : « Je suis trop laide, on ne m’aimera pas, » elle révélait le tourment de son adolescence. Après sa sortie du couvent, à la campagne, un été, un voisin lui avait fait la cour. Puis, une jeune fille était survenue, grande, les cheveux blonds, les yeux noirs caressants. Pour elle, le jeune homme avait abandonné la pauvre Claire au misérable sourire. Depuis, elle vivait avec cet affront, comme avec une blessure incurable