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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/137

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CHOSE DU MONDE
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ginez-vous la mer bleue comme un saphir, le ciel comme une soie plus pâle, et la barque balancée doucement sur de longues vagues. Une île d’abord verte et marquée par les taches claires de quelques maisons, une île allongée comme une baleine endormie à fleur d’eau. À l’une des extrémités, la falaise se relève, tour à tour cuivrée ou grise, rayée de noir comme si des ruisseaux d’encre avaient coulé du haut et laissé leur trace, sur cette paroi perpendiculaire de trois cents pieds d’élévation.

Au bas de ce mur bizarre et pittoresque, des amas de roches tombées, érodées par la vague, forment d’étranges et surprenantes figures. La mer et le vent les entourent de leur fracas incessant. Mais bientôt s’ajoute à ce tumulte un cri insolite et multiplié. La barque contourne encore un cap et soudain vous jette en pleine féerie. Le ciel au-dessus de vous est tout à coup voilé d’innombrables et blancs oiseaux qui tourbillonnent, éblouissants dans le soleil. Ils vont, viennent, s’élèvent, redescendent, planent avec grâce. L’air est déchiré du claquement de leurs ailes, de leur cri plaintif et rauque. Devant vous, la longue falaise abrupte est fendue horizontalement en quatre ou cinq étages d’où jaillissent sans cesse des oiseaux ; et d’autres encore sont rangés sur les rampes, si nombreux que d’un peu loin on les prendrait pour de la neige. Quelques cormorans