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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/148

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LA PLUS BELLE

Jean s’ouvrait la pièce où se tenait toujours quelqu’un de sa famille.

Jean, parfois, prenait sa main, la baisait. Mais tout le sentiment qu’il ressentait pour elle, il ne l’exprimait encore que par un regard reconnaissant et tendre. Il ne semblait pas croire possible le bonheur d’être aimé. Lucette émue de se sentir si précieuse adaptait son cœur à ce rôle.

Était-ce bien l’amour ? Comment en analyser l’essence ? L’imagination, la raison conquise, emprisonnée dans les fils emmêlés et forts de cette chaste et naïve passion, elle ne pouvait plus pourtant penser à personne d’autre. Elle agissait comme d’habitude, parlait avec autant de verve aux gens qui l’entouraient, s’efforçait de ne point paraître distraite, lointaine, mais elle demeurait en réalité avec le souvenir de Jean, elle entendait sans cesse ses derniers mots, cherchait en sa mémoire son visage. Jean, Jean, Jean. Eux, tous les deux. Un rêve de bonheur et cependant l’accompagnement d’un malheur irrémédiable ; dans son âme, un tumulte de chansons tristes, un tumulte de chansons gaies. Absorbée par cette constante exaltation, elle méprisait l’occasion de rencontrer des gens qui l’auraient servie dans l’avenir. Les plus aimables tentaient en vain de pénétrer derrière le rempart que constituait son amour secret. Jean devenait sa pluie, son beau