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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/176

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LA PLUS BELLE

tôt, à la Banque, deux mille piastres. Elle destine ce montant à un voyage en France, qu’elle entreprendra, elle ne sait quand, au cours de son existence solitaire.

Jean est toujours malade. Finalement, il n’a pu apprendre à se servir de béquilles. Chaque fois qu’il voulait s’y mettre, quelque malheureuse complication survenait. Son genou ne guérirait jamais.

— Pauvre Jean !

Lucette l’aime. Elle ne peut pas ne pas l’aimer. Il est doué de toutes les qualités : intelligence, bonté, délicatesse de cœur. Quelle reconnaissance elle lui doit. Il l’a habituée à réfléchir ; il a formé son esprit. Elle était si jeune quand elle est devenue son disciple ! Sans lui, que serait sa culture ? Quand elle est libre, elle assiste bien encore aux cours de littérature de l’Université ; mais c’est Jean qui lui a révélé la musique des vers de Racine, c’est Jean qui lui a enseigné à choisir, dans les livres du passé et du présent, ceux qui contiennent la perfection littéraire, c’est Jean qui a formé son goût, affiné sa sensibilité, son intelligence.

Comme Jean s’était moqué lorsqu’elle était revenue du théâtre emballée pour Ruy Blas ! Surpris de voir qu’elle trouvait ce drame si beau, il avait ouvert le volume et, lisant quelques pas-