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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/185

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CHOSE DU MONDE
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— Le bonheur, il est en soi, paraît-il. On le fait soi-même. Je n’ai jamais oublié ce jour que nous avions passé au couvent Villa Maria, avec Mère Sainte-Marie. Il faisait un temps merveilleux. Nous nous étions promenées longtemps dans la belle avenue, sous les beaux arbres, et sous un ciel clair. Mère avait dit tout à coup : « Mes petites filles, on fait soi-même son bonheur ». Elle l’avait répété deux fois, sans explication. J’avais cru qu’elle allait nous faire un sermon. Aujourd’hui, je réentends sa phrase, et je l’interprète comme une simple constatation qu’elle nous servait en exemple, sans intention de prêcher, sous l’impulsion du doux moment. Elle devait soudain se sentir heureuse et contente de son choix.

— Elle avait raison pour elle peut-être, mais pas pour moi, dit Monique ; non, je ne fais pas moi-même mon bonheur, je le défais. J’aime Maurice. J’aime mes enfants. Mais ce n’est pas tout le temps le bonheur. Il y a toujours des montagnes d’inquiétudes, de soucis, de désirs non réalisés, obsédants. En ce moment, je ne trouve pas la vie embêtante, mais au fond, mon petit, elle l’est toujours. Mon intelligence me force pourtant à constater que ma vie d’aujourd’hui est la félicité la plus pure à côté de mes dix-huit ans pauvres, sous des robes tant de fois refaites. Pourtant