Aller au contenu

Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/187

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
CHOSE DU MONDE
[ 185 ]

cieux Jacques. C’était splendide, admirable, mais idiot. Seulement, je t’assure que je n’avais pas conscience d’être malheureuse. Et sur ce chapitre, Maurice était aussi ridicule que moi. Quand je pense au jour où pour la première fois nous avons glorieusement promené dans la voiture neuve un petit Jacques de huit semaines enfoui sous une énorme fourrure blanche, quelle comédie ! Nous poussions chacun notre tour. Aux coins des rues, nous nous mettions à deux pour descendre monsieur sans secousse. Quand nous rencontrions des amis, nous avions pour les saluer un sourire de fierté. Nous avions réellement l’impression d’être les premiers père et mère de la création ! Les seuls à posséder un pareil trésor, une pareille merveille, une telle gloire. Quand j’y pense. Au coin d’une rue, à la fin comme nous attendions pour traverser, une petite fille est venue se pencher sur la voiture et s’en est allée vers ses compagnes en déclarant d’un ton déçu :

— Ah ! Il n’y a rien dans le carrosse !

Nous avons vite regardé. C’était vrai ; on ne voyait absolument rien de l’enfant : la fourrure blanche dissimulait tout le pauvre petit paquet de chair endormie. Alors, nous avons ri. Mais nous rions bien plus aujourd’hui, quand nous en reparlons !