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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/207

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CHOSE DU MONDE
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à regarder, des mains qui racontaient trop de peines, trop de tâches, trop de gestes à jamais perdus.

Un bouleversement soulevait le cœur de Nicole. Tous ses nerfs se contractaient, et les dents serrées, elle continuait pourtant, souriante. Mais sa jeunesse se révoltait devant la misère physique de la vieillesse. Elle vivait le moment le plus douloureux de son existence. Et il lui fallait boire le calice jusqu’au fond. Elle se disait : je dois offrir à maman de lui enlever ses bandages, de lui laver les pieds et les jambes, ses pauvres jambes toujours si malades.

Sa répulsion était si forte que la sueur perlait à ses tempes, et qu’elle pensait : ô mon Dieu, aidez-moi, je vais m’évanouir.

Sa mère accepta :

— Je n’osais pas te le demander, ma chérie, mais je souffre tant, cela me soulagera un peu. Et Nicole retrouva son enjouement pour déclarer :

— Je sais exactement comment on procède dans les hôpitaux. Vous verrez comme votre fille est adroite.

Les bandages enlevés, elle étendit les jambes molles, couleur de pâte, sur la large serviette de tissu éponge. Des varices nouaient un réseau noir sous la peau qui se soulevait par plaques.