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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/220

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LA PLUS BELLE CHOSE DU MONDE

reçue, la pudeur exagérée, l’étroitesse d’esprit, le jansénisme de nos parents. Croyant qu’elle n’épousera personne, elle s’afflige de manquer sa vie ; on n’atteint sa fin, assure-t-elle, qu’en donnant aux droits du corps et de l’âme une parfaite égalité. Je noircis des pages. Nous sommes jusqu’au cou dans la controverse religieuse. Mais je manque d’expérience. Si toi, Monique, tu voulais te mettre de la partie ce serait plus efficace…

Elles rient un instant, étonnées de s’être approchées d’un sujet qu’elles n’abordent jamais.

Et Monique constate simplement :

— Notre pudeur nous vient-elle des Anglais, ou d’un vieux fond de jansénisme, comme le prétend Claire, ou normalement de notre religion ?

— Mais de notre religion, chérie. La religion impose ses lois morales, et les théories qui prêchent l’égalité des sens et de l’âme ne peuvent s’accorder avec elle. Comment s’accorderaient-elles ? Je comprends que certains scrupuleux exagèrent, mais entre le scrupule et la liberté totale, il y a une marge dangereuse. Peut-on demeurer catholique sincère et, sous prétexte d’être humain, empiéter sur la marge ?

— Évidemment, ce serait le désordre. Le désordre sous prétexte de chercher le bonheur. Le bonheur qui n’est nulle part. Il n’est nulle part et nous le désirons incessamment.