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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/230

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LA PLUS BELLE CHOSE DU MONDE

s’effacer, se matérialisait. Lucette reçut des télégrammes, de courtes lettres, de beaux volumes, des revues. De loin, il était facile d’en parler à Jean. Elle lui avait écrit :

— « J’ai fait malgré moi une conquête. On m’envoie des livres. Me permettez-vous de remercier ? »

Ce que Jean pensa en écrivant : « Mais il faut répondre, »… elle ne le sut jamais, et elle n’aimait pas l’imaginer. L’intuition du malade l’avertissait cette fois du danger. Il détournait la conversation quand Lucette, de retour, essayait de raconter son été.

Elle n’aimait pas Jean d’amour, elle le constatait maintenant, elle ne l’aimait pas d’amour. Sa tante avait eu raison. Lucette s’était fourvoyée. Cependant, elle n’imposerait pas une douleur de plus à un pauvre infirme dépourvu de toute consolation ; elle subirait plutôt son martyre et ne changerait rien à la voie qu’elle s’était choisie.

Mais comment surmonter l’irrésistible attrait ? Comment refuser de se laisser entraîner vers Guy, comment lutter jusqu’au bout contre son cœur, sa raison, contre son imagination ? Où trouver en elle-même les paroles capables d’amener le jeune homme à se contenter de son amitié ? Où trouver la force de donner pour prétexte sa