Aller au contenu

Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/231

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

carrière, d’éloigner de ses lèvres, volontairement, la coupe où elle voulait boire ?

S’il était auprès d’elle, elle oubliait ses scrupules et ses inquiétudes. Mais seule avec sa conscience, elle se sentait prise de remords. Elle se savait infidèle et coupable. Une tentation qu’elle jugeait abominable s’insinuait dans son esprit. Tout avouer à Jean. Mais non, jamais elle ne commettrait cette méchanceté. Elle savait que lui ne changerait jamais. Il l’aimait toujours autant. Il n’avait personne d’autre à aimer. Non, elle ne parlerait pas, elle ne pourrait pas parler. Elle éprouvait la honte de son involontaire trahison ; déçue de sa faiblesse, elle la dissimulerait, se résignerait, plutôt que de l’avouer, à toutes les souffrances.

Des jours passèrent, puis des semaines, des mois, une année. Guy absorbait toujours Lucette. Et Lucette qui se prétendait incapable de lire les romans de Bourget, qui se moquait de leurs complications inutiles, Lucette s’aperçut qu’elle se trouvait dans une situation analogue à celle de ses héroïnes. Quel supplice, pour sa franchise innée, que cette duplicité involontaire à laquelle les circonstances l’enchaînaient. Le secret qu’elle portait seule, il pesait à sa nature expansive. Son devoir, croyait-elle, était de rester liée à