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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/245

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CHOSE DU MONDE
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a aimé, dans les journaux, sur les affiches, son nom allongé : Lucette Duhamel-Beaulieu.

Devant un miroir plaqué sur le mur, Lucette regarde se refléter une petite table, une lampe pansue, bleu vif, et un long vase où s’épanouit le rouge orangé d’une gerbe de lanternes chinoises. C’est commode, ces fleurs séchées qui demeurent fraîches et brillantes. C’est joli mon salon, pense-t-elle. Moins joli que le salon de Claire pourtant, le salon modernisé où seul a survécu, de l’ancien mobilier, le fauteuil vert, leur fauteuil vert, dissimulé sous un reps lustré. C’est là que le quatuor a tenu sa dernière réunion ; quatuor, car le souvenir de leur chère Nicole vit entre elles comme une présence réelle.

Monique en verve, parlait avec de grands gestes, comme d’habitude ; elle répétait sur tous les tons une phrase qu’elle venait de récolter dans un roman d’Henri Pourrat :

— « Ah ! Toute la misère de la vie, où chacun fait sa route seul ».

— Mais c’est vrai, disait-elle. Maurice est avec moi. Les enfants sont avec moi. Vous êtes parfois avec moi. Mais soyons franches, sincères ; avouons. Personne ne sait la moitié de ce qui se passe en nous, personne ne sait la moitié de ce que nous pensons, personne ne devine la