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LA PLUS BELLE

Le « quart d’heure », quelle importance il eut pour toutes les quatre, cette année-là ! Claire, qui n’avait pas de santé, avouait que, bien des matins, elle n’avait le courage de venir en classe que pour ne pas se priver de la récréation. Elle arrivait si en retard, qu’elle ne souffrait pas comme les autres des moments difficiles précédant ce « quart d’heure ». Après, le reste de la journée n’était plus qu’un chemin de roses, mais, de huit heures à dix heures, aucun badinage possible. Le catéchisme d’abord. D’avance, elles s’imaginaient savoir tout ce que la religieuse leur expliquerait ; et elles prenaient si peu la peine d’écouter, qu’elles sombraient dans un engourdissement ensommeillé, se laissant bercer par la voix familière qui trouait seule le silence parfait. Interpellée un jour sur ce problème élémentaire :

— Combien y a-t-il de personnes en Dieu ?

Lucette n’entendit que son nom et, ahurie de descendre si brusquement de la lune où elle se promenait, se leva, regarda Mère d’un œil hagard, interrogateur, confiante que celle-ci répéterait sa question.

— Eh bien, répondez, hâtez-vous…

Que vouliez-vous qu’elle répondît ? Elle balbutia :

— Je ne sais pas.

Toute la classe, ce matin-là, put au moins rire.