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CHOSE DU MONDE
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Cette demi-heure se déroulait longue et paisible, mais suivie de minutes mauvaises et angoissantes. Il fallait réciter des leçons qu’elles avaient lues hâtivement. Aussi, les dernières phrases bégayées, lorsque sonnait le bienheureux « quart d’heure », quel enivrement, quelle libération, quelle volupté de penser que, jusqu’au lendemain, elles n’auraient plus de récitations. Elles devenaient si exubérantes, si gaies, que dans l’avenir probablement jamais elles ne retrouveraient bonheur si complet.

Pendant ce « quart d’heure », elles parlaient en paraboles de leur amour secret, et riaient aux larmes. Poupon Rose passait et repassait dans leur entretien. Elles lui prêtaient tour à tour un beau geste ou une parole bien sonnante.

Quelquefois Mère Sainte-Marie de la Crèche, intéressée ailleurs, oubliait que le « quart d’heure » était fini et le prolongeait jusqu’à « et vingt ». Alors, chacune de ces cinq minutes supplémentaires coulait comme une goutte d’essence très précieuse et très rare qu’il leur était permis de recueillir, et leur joie montait à son paroxysme.


Leur amour pour Poupon Rose avait du reste changé la face du monde. Ce qui auparavant constituait un plaisir leur devint une peine, et ce qui était un ennui se transformait en joie.