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LE NOM DANS LE BRONZE

a grandi. Que de fois, gamine, elle a regardé sur la nappe glauque du lac, fuir les blancs paquebots qui traçaient au ciel une longue route de fumée. Elle songeait alors, à des contrées aussi féeriques que celles des contes qui l’amusaient encore. L’inconnu flamboyait dans son imagination, déjà naissaient les illusions et les souhaits dont elle voulait composer son avenir.

Aujourd’hui, elle peut se croire au seuil du pays magique qu’elle inventait alors. Elle se sent heureuse, d’un bonheur secret, si bruissant en elle, qu’elle en est presque effrayée. Aucune raison ne motive pourtant cette joie parfaite et chantante. Elle éprouve sans cause, le contentement qui accompagne d’ordinaire quelque cher désir accompli ; mais il n’y a rien pour elle de réalisé, et elle le sait bien. Elle continue tout de même à se sentir heureuse et, parfois, elle s’interroge sur la raison de son bonheur, avec l’impression qu’elle l’a sue, mais l’oublie sans cesse.

Sa félicité ne réside-t-elle qu’en sa jeunesse vigoureuse, dans cette douceur pleine de promesses de son présent, dans l’effet radieux du ciel ? Le bruit léger de l’aviron la tire de sa rêverie. Elle fait un pas sur la