Page:LeVasseur - Têtes et figures, 1920.djvu/57

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
57
TÊTES ET FIGURES

qués du sort, et ce n’était pas elle qui eut jamais songé à demander un liard pour une hospitalité dont elle s’était fait un devoir, une vertu.

Ce soir-là, la mère Adrien n’avait guère le cœur à la joie. Assise devant sa vieille cheminée où flambait une grosse bûche, les lunettes relevées sur le front, elle ruminait aux moyens de sortir de sa misère et de sauver la terre de ses aïeux.


Sur la route, entre Saint-Joseph et Sainte-Marie, dans le comté de Beauce, cheminait à cette heure-là une carriole tirée par un de ces petits chevaux canadiens, trapus, nerveux, tout en crinière, qui se font bien rares aujourd’hui au Canada. La carriole était occupée par un étranger tout de fourrures habillé et conduite par un paysan connu dans la contrée sous le nom de Charles-à-d’Jos-m’oncle Charlot, et qui sera désigné désormais sous le nom de Charlot. Ces dénominations de personnes ne sont pas rares à la campagne au Canada. Comme souvent les enfants portent le même nom de baptême, pour les distinguer, on dit Pierre à Jacques ou Pierre à François, Jacques et François indiquant le nom du père.

L’étranger s’en allait à Québec, et, par un pareil temps, il en avait pour au moins dix heures de course. Mais le voyage menaçait