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TÊTES ET FIGURES

S’il semblait que ce fût fête un peu partout, il n’en était pas de même chez la mère Adrien. On l’appelait la mère Adrien tout court, du nom de son mari dont elle était veuve depuis plusieurs années déjà ; son nom était Élizabeth.

Elle avait eu cinq filles et autant de garçons pour le moins ; les filles étaient mariées à la ville. Quant aux garçons, des gaillards de six pieds, ils étaient partis les uns après les autres à la recherche de la fortune, qui dans l’ouest américain, qui à la Rivière Rouge. Pas un d’eux n’était revenu au pays, et ne donnait de ses nouvelles, qu’à de bien rares intervalles.

La vieille maisonnette, sise sur le chemin du Roy, au sommet d’une côte et sur la lisière d’un escarpement prolongé de la rivière, était restée bien déserte et bien triste depuis.

Et la vie avait été dure pour la mère Adrien ; la terre donnait ses produits petite mesure ; grevée de redevances, elle était menacée d’un exploit d’huissier, un jour ou l’autre.

Pourtant, la mère Adrien était une bien brave femme. Que pouvait-elle avoir fait au bon Dieu pour subir si longue et rude épreuve ? D’une stature et d’une vigueur plus qu’ordinaires, c’était la bonté de cœur incarnée ; jamais plus noble caractère n’habita charpente humaine. Sa maison était ouverte à tous, aux voyageurs, aux pauvres, aux malades, aux tra-