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Page:LeVasseur - Têtes et figures, 1920.djvu/137

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TÊTES ET FIGURES

Encore une fois, qu’allait-il donc répondre ? Il commençait à se sentir faiblir sous le feu de ces deux prunelles noires, menaçantes, pleines d’éclairs, et de plus en plus obstinément rivées sur lui. Il se voyait enclavé dans un terrible dilemme. Il arrive comme cela dans la vie d’un homme un moment, où, en une seconde, il peut, pour toujours, perdre la confiance et l’affection d’une femme, de la sienne surtout, ce qui est encore plus grave. Il en était là, et se rendait parfaitement compte de la situation. Dire la vérité, c’était pour le moins provoquer toute une scène, qui aurait pu tourner au drame. Ne pas la dire n’était assurément pas honnête, mais laissait toujours une porte ouverte à des explications ultérieures et… au repentir final.

Il lui fallait cependant, coûte que coûte, prendre un parti. On est homme après tout, se dit-il. Alors, à la grâce ! Et il se décida à répondre.

— Mais oui, fit-il, avec une contrainte mal déguisée, certainement qu’elle est partie. Elle a dû prendre le train de minuit hier ; elle doit être déjà loin à l’heure qu’il est. Tonnerre de Dieu ! où donc s’égarent tes soupçons ? Jusqu’ici, ne t’ai-je pas prodigué, et dans ma conduite, et dans mes attentions, l’affection la plus tendre ?… Elle est partie, bien partie…