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Page:LeVasseur - Têtes et figures, 1920.djvu/272

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TÊTES ET FIGURES

trapu, à la charpente osseuse, à la barbe longue et ébouriffée, à la moustache épaisse et en broussailles, à la tignasse à demi dissimulée sous un large sombrero. Il écoutait silencieusement en fumant comme deux Turcs, tenant de toutes ses molaires et incisives une pipe qui se rapprochait plutôt d’un brûle-gueule et qu’il appelait Virginie. Pourquoi Virginie ? On n’en avait jamais rien su. Du reste, ça n’offusquait personne. Virginie, pipe en apparence de bonnes mœurs, était bien convenablement culottée. On y était, d’ailleurs, habitué, car on ne lui avait jamais vu d’autre parure.

Tout à coup, notre homme, rompant le silence, prétendit que son tabac était de si bonne qualité, qu’il ne craignait pas de parier une bouteille qu’il se rendrait au camp, à deux milles de là, avec une seule pipée. Étonnement des excursionnistes, tous Canadiens-français.

That’s all right ! Let us go ! ne manquèrent-ils pas de s’écrier en chœur, dans la langue de Shakespeare et de l’évêque Fallon !

Le pari accepté, toutes les pipes furent chargées de frais. Quelqu’un vérifia le contenu de chacune. On ralluma, et l’on partit, par couple, à la queue-leu-leu. Si, chemin faisant, les excursionnistes usèrent de discrétion à l’endroit des touches, le parieur, lui, fuma comme à l’ordinaire, en bourrant Virginie de temps à