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Page:LeVasseur - Têtes et figures, 1920.djvu/65

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TÊTES ET FIGURES

— Vous me direz que j’sus beu curieuse, interrogea la mère Adrien, mais vous venez manquablement de ben loin ?

— Je reviens justement de Saint-François, madame, et je m’en retourne à la ville ce soir même, si c’est possible.

— Ben sûr que vous devez avoir mangé depuis longtemps, et que vous prendriez une bouchée de n’importe quoi, dit la mère Adrien, en se dirigeant du côté de la huche.

Et, sans attendre la réponse de l’étranger, elle alla installer une petite table vermoulue au milieu de la pièce des grands jours du logis, y étendit un drap blanc en guise de nappe, alluma un poêle à deux ponts qui ne tarda pas à jeter une réconfortante chaleur dans la chambre, infusa du petit thé de savane, le servit bien chaud avec du pain de ménage cuit de la journée même, du lait, de la crème et une vaste tourtière.

— Ça n’est pas grand’chose, dit-elle, mais ça vous réchauffera et vous mettra d’aplomb pour le reste du voyage ; car, Sainte-Anne bénite, vous n’êtes pas rendu.

Pendant ce temps-là, Charlot était revenu de la grange, et, connaissant les aires, était rentré par la porte de derrière de la maison. En voyant la table mise, Charlot, qui se sentait une fringale, ne se fit pas prier pour s’y installer.