Page:Le Ballet au XIXe siècle, 1921.djvu/146

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sinon par l’entremise du facteur psychologique ? Le rythme est le seul lien réel qu’on puisse apercevoir entre la musique et la danse et « tout le reste est littérature », autrement dit — psychologie. La musique en effet est censée évoquer par associations certaines émotions, certains sentiments, certains désirs que la danse à son tour est obligée de manifester et d’extérioriser.

Mais alors, que devient donc la logique du corps mouvant, si sa vie, son développement sont commandés, d’une part par les rythmes musicaux, d’un autre côté par les états psychiques que cette musique provoque? Il n’y a « art », pourtant, que là où il y a autonomie, sinon complète comme l’exige la pure conception classique, tout au moins partielle ; or, dans le cas qui nous occupe, le caractère spécifique de la danse disparaît sans laisser de trace. C’est à ce résultat que tendent réellement, sans en avoir d’ailleurs nettement conscience, la plupart des réformateurs et des rénovateurs du ballet moderne.

Il faut croire pourtant que l’avenir appartiendra à la conception classique ; non à telle ou telle des formules classiques que nous connaissons déjà, qui, fixées dans tous leurs détails, ne laissent place aujourd’hui à nul effort créateur et n’autorisent que d’ennuyeuses et plates répétitions, mais à un classicisme d’un type nouveau qu’il s’agit encore de dégager et de déterminer, qui adoptera probablement et fera siennes nombre de recherches chorégraphiques de ces vingt dernières années, mais en effaçant leur signification psychologique, en les libérant de l’emprise de la musique.

Est-ce à dire que l’idéal de la danse classique dénuée de toute valeur psychologique est une beauté de pure forme, une beauté abstraite, semblable à celle que nous présentent les figures et ornements géométriques ? Aucunement. On nous propose ce dilemme : ou bien la danse est expressive et s’adresse alors à l’esprit, ou bien elle n’est qu’un plaisir des sens, un divertissement visuel. Mais, privée de toute signification psychologique, inexpressive, la danse ne se réduit pas pour cela à une pure gymnastique, à un chapelet de figures géométriques. Si la danse du corps vivant ne veut être ni symbole, ni description, ni expression, elle possède néanmoins